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Sous la direction de Léo Warynski, l’ensemble Les Métaboles sortira le 14 mars prochain un nouveau disque consacré à la musique de Philip Glass, enregistré en concert live à la Cité de la Voix. Léo Warynski nous livre ses impressions…

J’ai longtemps méconnu la musique de Philip Glass qui se cantonnait pour moi à de la musique de film. Je ne m’y étais jamais vraiment intéressé jusqu’à découvrir il y a une quinzaine d’années son opéra Einstein on the Beach qui a été pour moi un véritable choc musical et esthétique. En regardant des images de la production originale mise en scène par Bob Wilson, j’ai été totalement fasciné par la musique et ce qu’elle impliquait comme forme de radicalité. Aujourd’hui, c’est plus courant d’être confronté à ce type de musique mais à l’époque en 1976, c’était un geste très fort d’imaginer une musique qui se répète toujours avec un sentiment de ne jamais commencer ni finir et qui impose un nouveau rapport à la scène (ce qui était le cas dans cet opéra car il n’y avait pas d’histoire à proprement parlé, c’était un « opéra climat »).

Par la suite, j’ai eu la chance de pouvoir diriger plusieurs de ses opéras (notamment Einstein on the BeachAkhnaten au Théâtre Colón de Buenos Aires et à l’Opéra de Nice, et bientôt Satyagraha, inspiré de la vie de Gandhi). Ces expériences ont confirmé l’admiration que je voue à ce compositeur. Cependant, je regrettais que les œuvres de Philip Glass soient toujours des œuvres de très grande durée et pour des effectifs assez importants. En cherchant dans son répertoire, je suis tombé sur Another look at Harmony – Part IV pour chœur et orgue, une sorte de condensé de la musique de Glass en une heure, et je me suis dit « ça, c’est la partition idéale pour les Métaboles ! ». C’est une œuvre peu chantée et enregistrée jusqu’à présent et je le regrette, c’était donc important pour moi qu’on l’enregistre et qu’on la donne à entendre au public.

La résidence des Métaboles à la Cité de la Voix comporte plusieurs volets : diffusion de répertoire de musique vocale, formation, mise en valeur du fonds de partitions du CDAC, action culturelle… Cet enregistrement est un nouvel épisode et une sorte d’accomplissement de l’un des tenants importants de cette résidence. C’était essentiel pour moi qu’il reste de cette résidence un objet concret qui puisse rayonner. Je le vois comme un repère qui ancre et approfondit un aspect de cette résidence. C’est aussi le symbole de la confiance accordée par la Cité de la Voix de pouvoir aller explorer des répertoires moins connus, d’aller défendre une nouvelle façon d’explorer la voix, le répertoire pour chœur et de le faire découvrir à un large public. Ce disque et le projet scénique qui l’accompagne sont le fruit d’un esprit d’initiative, d’ouverture et d’audace, comme c’est le cas depuis le début avec la Cité de la Voix (d’abord avec la transcription pour chœur du Boléro de Ravel puis avec le concerto de Schnittke).

Le concert des Métaboles aux Rencontres musicales de Vézelay reprendra le programme du disque Another look at Harmony – Part IV qui comprend évidemment cette grande œuvre de Philip Glass mais aussi un canon d’Andrea Basily, un compositeur méconnu du XVIIIe siècle qui a écrit ce canon à 16 voix réelles en hommage à son professeur qui était lui-même compositeur. L’idée de ce programme est de transcender la capacité expressive et onirique de la musique de Glass et de Basily pour proposer une sorte d’expérience de scène pour le public, l’expérience d’un temps long, d’une hypnose, d’un véritable moment suspendu. Ce spectacle a été pensé pour envoûter les spectateurs grâce à une création scénographique très imaginative par Céline Diaz et Clément de Bailleul, mais aussi un travail de vidéos et de lumière. Nous voulions aussi mettre en valeur l’architecture des lieux qui nous accueillent (aussi bien des théâtres, des salles modernes que des lieux de patrimoine comme à Vézelay) et que ce spectacle prenne une nouvelle vie à chaque fois. Notre représentation à la Basilique Marie-Madeleine de Vézelay s’annonce particulièrement intense car nous avons prévu une scénographie avec un décor qui va monter très haut dans l’espace pour exprimer une idée d’ascension, centrale pour moi dans cette œuvre de Philip Glass : la musique commence dans les registres très graves et très lents pour poursuivre par des mouvements d’accélération, comme un décollage. Les hauteurs des voûtes de la Basilique seront donc un cadre particulièrement sublime et adapté, voire idéal, pour la création de ce spectacle.