Pourquoi dédier une programmation aux femmes ?
C’est un fait : les femmes ont longtemps souffert et souffrent encore beaucoup d’une invisibilité dans le monde de la musique et particulièrement de la musique classique et contemporaine. Les chiffres sont toujours éloquents : 4% des orchestres ont une direction féminine, 1% des compositeurs…. Nul ne peut contester qu’elles sont les grandes oubliées de l’histoire et nous savons bien aujourd’hui qu’elles ont été écartées pour des raisons multiples de certaines pratiques musicales. Pour autant, les clichés ont parfois encore la vie dure et l’égalité reste indéniablement à conquérir en la matière. De nombreuses initiatives ont été lancées ces dernières années entre concours, festivals, bases de données… Cette biennale « Elles chantent, composent, dirigent » est une manière pour la Cité de la Voix de prendre part à cette responsabilité collective pour faire la lumière sur les femmes musiciennes dont le travail nous touche, nous inspire, en faisant connaître leur parcours et finalement dire comment elles s’affirment et existent à travers leur art.
La biennale est-elle l’occasion de se tourner vers d’autres esthétiques (musique du monde, jazz…) ?
C’est une marque de fabrique de l’événement depuis ses débuts. La biennale est collectivement stimulante car elle nous permet d’explorer des terrains et des répertoires inhabituels, de convoquer des rencontres originales entre les artistes et de mobiliser un large public.
Cette édition voyageuse en est d’une certaine manière un symbole. Je peux citer par exemple les invitations faites à Diana Baroni et Mariana Delgadillo Espinoza qui ont en commun de se tourner vers les musiques traditionnelles d’Amérique du Sud, de s’inspirer de leurs racines respectives comme matière à un travail de re-création et de ré-interprétation. Ce sont deux personnalités extraordinaires qui à travers leur musique se dévoilent avec une grande générosité et ont tant de choses à nous dire… !
Je peux également citer la rencontre du Trio SR9 avec Kyrie Kristmanson. On entendra Barbara Strozzi, Germaine Tailleferre et d’autres compositrices plus discrètes dans des arrangements originaux : au marimba, vibraphone, piano préparé et voix. Le travail de ré-interprétation qui identifie le groupe depuis déjà plusieurs années et l’a rendu célèbre permettra ici de faire entendre des compositrices comme nous ne les avons jamais entendues. C’est à mon sens tout à la fois une bonne manière de donner accès à leur répertoire par voie détournée et sans aucun doute signe que ces dernières entrent dans notre patrimoine musical commun.
Avec le chœur de l’Opéra de Dijon enfin, nous serons dans une démarche « chorale » a cappella peut-être attendue pour notre maison mais tout aussi enthousiasmante pour la découverte de compositrices : le chœur abordera 500 ans de musique par les femmes et à travers le monde – de Maddalena Casulana à Erika Budai, de l’Italie à l’Australie, et dévoilera ainsi nombre de pépites cachées du fonds de partitions exceptionnel du Centre de Documentation d’Art Choral.
Y aura-t-il un lien entre la biennale et les Rencontres musicales 2023 ?
Oui, les couleurs latino-américaines nous suivront jusqu’aux Rencontres musicales, autour principalement de la figure de Violeta Parra, chanteuse et artiste chilienne incontournable qui a joué un rôle majeur dans la redécouverte du folklore de son pays natal. Diana Baroni reprend d’ailleurs l’un de ses titres Cœur maudit dans son programme Mujeres où elle parle de ses souffrances, de ses amours et de ses sacrifices de façon si humaine, si poignante et si désespérée comme l’indique d’ailleurs son destin tragique. Sa langue est universelle. On retrouvera aux Rencontres cette voix de légende sublimée à travers le concert « Violeta Parra y el jazz » qui réunit une somme de sensibilités autour d’Emiliano Gonzalez Toro pour lui rendre un formidable hommage. Inclassable. Sans compter un grand bal brésilien pour s’initier au forró, à la samba, au frévo et à de multiples danses afin de poursuivre ce voyage dépaysant de manière rythmée et festive !
Retrouvez les Rencontres musicales de Vézelay du 24 au 27 août 2023
Programmation en ligne le 4 mai 2023
Comment le CDAC prend-il part à la biennale « Elles chantent, composent, dirigent… » ?
Le CDAC apparaît en filigrane dans la plupart des projets de la Cité de la Voix, cela permet de valoriser les répertoires et la richesse du fonds documentaire. Pour cette 4e édition de la biennale « Elles chantent, composent, dirigent… », le CDAC a plus particulièrement collaboré avec le chœur de l’Opéra de Dijon et son chef, Anass Ismat, afin de concocter un programme musical mettant en lumière des œuvres de compositrices de toutes époques et de diverses nationalités.
Concrètement, comment ça se passe ?
L’accueil des chefs de chœur au CDAC se fait sur rendez-vous. L’équipe du CDAC recueille tout d’abord les éléments de la demande du chef (la ou les thématique(s), les effectifs vocaux et/ou instrumentaux, les langues, etc.) pour ensuite organiser et optimiser la recherche dans le catalogue informatisé. Vient alors le moment « logistique » du rendez-vous, puisqu’il s’agit de préparer les partitions sélectionnées pour les mettre à disposition de la personne. Lorsque le chef de chœur arrive au CDAC, le travail préalable et parfois fastidieux de la recherche est effectué, il n’y a plus qu’à s’installer et découvrir le répertoire. Bien sûr, l’équipe du CDAC reste à disposition pour toutes questions éventuelles ou tout complément de recherches.
Pour le programme du chœur de l’Opéra de Dijon, intitulé Écritures de femmes, Anass Ismat est venu plusieurs fois consulter les partitions, s’en imprégner, les lire et les déchiffrer au piano pour certaines, les écouter pour d’autres. Il a ensuite sélectionné ou rejeté des œuvres et a hésité pour d’autres, le fameux « oui / non / peut-être » utilisé par certains habitués du CDAC ! Anass a également organisé deux séances de déchiffrage vocal au CDAC avec quelques chanteurs du chœur, cela a permis d’affiner le choix pour aboutir à un programme musical qui sera donné à Joigny le 24 mars prochain.
Si l’on souhaite approfondir le répertoire abordé lors de la biennale, quelles sont les possibilités ?
Il ne faut pas hésiter à interroger l’équipe du CDAC et à explorer les ressources documentaires mises en ligne !
Chaque mois, le CDAC élabore un partothème, association de partitions et thèmes, en lien avec l’actualité de la Cité de la Voix ou l’actualité plus générale. Celui du mois de mars est bien évidemment une contribution au voyage en Amérique latine, et présente une sélection de différents recueils de mélodies traditionnelles harmonisées.
Mais les partothèmes ne sont en général qu’une mise en bouche pour donner envie de continuer la dégustation au CDAC.
Vous ne connaissez pas le CDAC ? N’attendez plus !