Anastassia, peux-tu nous raconter ton parcours et ce qui t’a amenée à travailler avec les enfants ?
Originaire de Biélorussie, j’ai commencé la musique au Collège républicain de l’Académie de musique de Biélorussie. Après mes études j’ai rapidement eu envie de monter un projet artistique de grande envergure avec des élèves pour les amener à découvrir la musique folklorique de Biélorussie. Le projet auquel j’ai pris part pendant 3 ans en Biélorussie, Ethno-école, a ainsi été créé pour se développer à l’échelle d’une école. Pour ce projet, j’ai eu à cœur de développer trois éléments qui me semblent importants dans les projets avec des élèves :
- La dimension fédératrice. En rassemblant élèves, parents, enseignants, équipes administratives, le projet permet de créer des liens forts qui ont un impact ensuite sur l’activité de l’école et le savoir être ensemble ;
- Le temps long. Le projet a duré 3 années qui ont permis de voir les élèves s’en emparer de plus en plus et de grandir avec ;
- Permettre aux élèves de s’exprimer. Il me semble important que des enfants puissent expérimenter le fait de s’exprimer devant les autres et de découvrir qu’ils en sont capables mais aussi qu’ils ont des choses à dire à travers la musique.
Quelques années après mon arrivée en France, j’ai eu la chance d’être sélectionnée par le projet « ORPHEUS XXI – Musique pour la vie et la dignité » porté par Jordi Savall. Avec ORPHEUS XXI j’ai suivi une formation pour acquérir les outils de transmission auprès de divers publics dont les enfants. L’aboutissement ayant été de les intégrer dans l’orchestre avec les autres musiciens professionnels et de les emmener en tournée avec nous.
S’en sont suivis de nombreux autres projets avec les scolaires, dont le projet Art Fusion, projet musical multiculturel en partenariat avec la Région Bourgogne-Franche-Comté, la ville de Besançon, le Conservatoire du Grand Besançon, les Maisons de Quartiers prioritaires ainsi que leurs écoles. Et plus récemment avec le Théâtre Edwige Feuillère à Vesoul pour la mise en scène de spectacles musicaux dans le cadre du festival Mois Voix d’enfants.
Ces expériences ont eu un impact important sur ma pratique artistique. Je pense que l’adaptation et l’écoute aux autres sont les deux choses que j’ai vraiment confortées pendant cette période.
Justement, pourrais-tu définir ton identité artistique ?
J’ai fait le constat, et encore aujourd’hui, que les genres musicaux et les pratiques artistiques sont extrêmement cloisonnés. La question qui s’est posée pour moi était de trouver un moyen de transmettre de la manière la plus large la richesse du patrimoine musical que je portais en moi. J’ai donc travaillé à intégrer dans cette musique un langage plus actuel que l’on peut trouver dans les musiques d’aujourd’hui. Si l’on veut résumer, mon travail artistique est un croisement de musiques ancestrales et de musiques actuelles.
Cette année la Cité de la Voix t’a sollicitée pour monter un projet de 200h avec 10 classes d’écoles primaires de la communauté de Commune des Portes du Haut-Doubs. Qu’est-ce qui t’a motivée à t’engager dans un projet aussi important ?
Ce projet artistique est le tout premier sur le territoire. Les enfants ont jusqu’alors eu peu de contact avec la pratique artistique. Il me semblait d’autant plus important de leur apporter une proposition de qualité.
D’autre part, je sais que, même si cela demande un investissement à 100% et peut être épuisant, le travail avec des enfants est extrêmement gratifiant. Pendant les séances les élèves accueillent avec beaucoup de bonheur mes propositions musicales. Ce sont des éponges qui apprennent vite et qui osent être en dialogue avec moi. Tout cela me motive encore plus à être dans une démarche de transmission. Ce projet se clôturera en juin par un regroupement de toutes les classes. Je pense que cela va être un moment extraordinaire que de faire chanter 250 élèves en 5 langues différentes.
La thématique du projet est celle des musiques du monde. Les élèves apprennent des chants de différents pays. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
Ouvrir de nouveaux horizons ! Chanter dans une langue étrangère ce ne sont pas uniquement des mots nouveaux et de nouvelles sonorités. Les chants que je leur apprends sont chargés d’histoires, de traditions, ils portent des cultures. Ces chants ont voyagé et m’ont été transmis par les musiciens de toutes origines et de tous bagages culturels avec qui j’ai eu la chance de chanter. À présent je les transmets aux élèves et je leur permets ainsi de voyager hors de leur classe.
Mon travail ne vise pas uniquement à leur apprendre à chanter et à jouer des instruments traditionnels. L’objectif est celui de l’apprentissage du sensible pour leur donner envie par la suite de s’exprimer et de, pourquoi pas, prendre part eux aussi à un projet artistique. Cela passe par la prise de conscience de soi, des autres, de la discipline, de la coordination, de l’écoute. Autant de cadres qui permettent à l’enfant de se sentir libre tout en étant dans le groupe.
Quelles sont les prochaines étapes du projet ?
Actuellement à travers l’apprentissage de chants et la découverte d’instruments, j’amène les élèves à travailler le rythme et la conscience de leur corps et de l’espace. Dans un deuxième temps j’aimerais les amener à sortir de l’imitation et de la répétition pour qu’ils deviennent eux-mêmes créateurs, compositeurs. Pour cela nous allons travailler avec la MAO (musique assistée par ordinateur) pour arranger le répertoire musical que je leur ai transmis. Ils deviendront alors créateurs de leur projet artistique.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Pour suivre le travail de Lounata : https://lounata.com/biographie/
Le CLÉA (Contrat Local d’Éducation Artistique et Culturelle) des Portes du Haut-Doubs est un dispositif initié par la communauté de communes des Portes du Haut-Doubs, la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, la DSDEN du Doubs.